

Ce livre de spiritualité, un brin apologétique, nous tient en haleine du début à la fin, grâce à sa langue vivante et sa composition accrocheuse : une introduction, trois parties, et une conclusion, chacune divisée en petits chapitres de quelques pages aux titres attractifs. « Soins du visage », « Vive la mariée ! », « Lâcher (la) prise » : la lecture du chapitre nous donne la résolution de l’énigme de son titre, parfois bien loin de ce qu’on pouvait imaginer au départ. D’une certaine façon, Au bon plaisir de Dieu, l’Évangile du bien-être est un ouvrage où nous trouvons la traduction en langage d’aujourd’hui de nombre d’expressions traditionnelles de la foi.
Le thème du bien-être pourrait faire penser à un énième ouvrage de développement personnel, plus ou moins assaisonné de spiritualité chrétienne. Il n’en est rien. Le frère Sylvain Detoc, dominicain de la province de Toulouse, démontre avec légèreté et entrain (voir la profusion des innombrables points d’exclamation) que le véritable bien-être a toute sa place dans la vie chrétienne et même qu’il en est un des fondements. Bref, qu’il est évangélique. Car le Bien-être est un autre nom de Dieu : il est, et il est le souverain Bien.
La première partie met en scène la maison dans laquelle Jésus nous fait du bien à chacun. Les images de soins physiques et médicaux sont ici très présentes et montrent, toujours avec délicatesse, l’œuvre de Dieu dans nos cœurs, tout en insistant sur l’importance de prendre soin de soi, même quand on est chrétien.
Dans la deuxième partie, le frère Sylvain Detoc s’emploie à « détoxifier la foi », pour l’épurer de beaucoup des idées folles qui circulent sur le christianisme, parmi lesquelles Dieu serait fâché de notre bien-être. « Au contraire, il l’encourage, et dans sa version maximale, qui s’appelle ‘la vie éternelle’. » (p. 81)
Enfin, en troisième partie, vient la question du repos et de sa place dans notre vie de prière. L’auteur parle beaucoup, mais non exclusivement, du repos du sommeil et de ce qui peut le perturber ou le favoriser.
La multitude de personnes citées ne donne pas l’impression de s’y perdre, car chacune est invoquée pour servir le propos de l’auteur, sans que cela devienne rébarbatif. Certaines apparaissent plusieurs fois au cours de l’ouvrage. L’une d’elles cependant se détache nettement, car, contrairement aux autres, l’auteur lui consacre trois chapitres d’affilée : il s’agit de la moniale bénédictine et artiste Mère Geneviève Gallois, dont les dessins agrémentés de textes pleins d’humour sur la vie religieuse (et par extension sur la vie spirituelle en général) sont savoureux. Le format de ce livre ne permettait sans doute pas de les reproduire (on aurait aimé en voir une en couverture, mais peut-être cette absence est-elle due à une question de propriété intellectuelle), mais ceux qui ne les connaissent pas encore seront probablement par l’odeur alléchés.
Les férus de lecture trouveront aussi une foison de titres et d’auteurs à se mettre sous la dent, depuis l’Antiquité jusqu’au XXIème siècle, sans oublier la Bible, et même des titres de films. Ceux qui sont moins portés sur les livres ne seront pas pour autant découragés par tant de références insérées avec légèreté au milieu d’anecdotes et de bons mots.
Le frère Sylvain Detoc s’appuie aussi beaucoup sur sa propre expérience de la vie religieuse, et invoque régulièrement la sagesse monastique comme un modèle d’équilibre et de mesure en matière d’ascèse. On s’étonne cependant d’une petite phrase au sujet des moines et moniales : « Ils ne perdent pas de temps devant les écrans... » (p. 175) Comme l’auteur le dit bien, moines et moniales sont des personnes normales et on peut dire que, de ce fait, ils perdent parfois du temps, que ce soit par fatigue ou pour une autre raison. Dès lors, même s’ils ont beaucoup moins d’écrans que la plupart de leurs contemporains, il peut leur arriver, devant un ordinateur ou un téléphone, de perdre un peu de leur temps !
Au fond, par sa critique d’une ascèse malmenant humainement et spirituellement les croyants, le frère Sylvain nous montre que l’excès dans ce domaine malmène aussi le regard que nous portons sur Dieu, ce Dieu qui en réalité nous fait éprouver chaque jour, dans notre corps, les effets de sa tendresse. Le Dieu dont il nous parle est un Dieu infiniment proche de nous.