Celebration de la vie imparfaite

Paolo Scquizzato
Edition du Cerf
Gilles Berrut
09/06/2025
Relecture :
Spiritualité
Temps de lecture :
1
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Célébration de la vie imparfaite

Paolo Scquizzato

Edition du Cerf 2025

Quand nos fragilités ouvrent la voie vers le divin Analyse de "Célébration de la vie imparfaite. La voie de la fragilité" de Paolo Squizzato

Paolo Squizzato nous livre dans cet essai une approche inattendue de la condition humaine. Son propos bouleverse nos idées reçues en soutenant que nos vulnérabilités, loin de constituer des entraves à notre épanouissement spirituel, représentent au contraire le terrain le plus fertile pour accueillir la présence divine.

L'ouvrage se déploie selon cinq axes principaux : La richesse de la limite, Hymne à la fragilité, Sa grâce nous suffit, La logique de la faiblesse et À l'écoute de l'Évangile. Dès l'ouverture, l'auteur pose une métaphore saisissante : "La perle est splendide et précieuse. Elle naît de la douleur. Elle naît quand une huître est blessée" (p. 15). Cette comparaison, fil rouge de toute sa réflexion, capture parfaitement son intuition centrale : nos imperfections peuvent devenir "matière à sainteté" (p. 17) pour peu qu'on accepte de les envelopper "de cette substance cicatrisante qu'est l'amour" (p. 16).

Ce qui distingue la démarche de Squizzato, c'est son interprétation renouvelée des textes sacrés sous l'angle de cette "logique de la faiblesse". Il souligne que le sacré se révèle précisément "dans des situations imparfaites" (p. 41), choisissant "dans le monde ce que le monde considère comme inutile afin de composer son histoire de salut" (p. 49). L'auteur martèle cette conviction majeure : "notre imperfection, la fragilité de notre caractère et de notre histoire ne sont pas un obstacle à l'action de Dieu en nous" (p. 53). Il ose même reprendre cette formule provocante de Silvano Fausti : "l'enfer est l'unique lieu d'un salut possible" (p. 56).

Cette vision théologique rompt nettement avec une approche perfectionniste du cheminement spirituel : "Le salut ne sera donc pas d'arriver à ne plus pécher, ou de se découvrir un jour sans limites [...] mais ce sera de rester bouche bée comme les enfants [...] devant un Dieu qui nous aime et nous a rejoints dans notre fragilité" (p. 54). Squizzato trace alors une ligne de démarcation cruciale : "La religion, c'est tenter de vouloir atteindre Dieu par une vie irréprochable, la foi, c'est se rendre compte que Dieu œuvre et se révèle dans notre histoire blessée" (p. 54).

Malgré la richesse spirituelle indéniable de cet ouvrage et sa capacité à renouveler notre lecture de passages bibliques familiers, quelques bémols méritent d'être signalés. Certaines oppositions entre foi et religion paraissent parfois trop tranchées. De plus, quoique l'œuvre s'inscrive clairement dans les développements contemporains de la théologie spirituelle, l'absence de dialogue avec d'autres recherches du domaine complique l'évaluation de la contribution propre de l'auteur.

Ces nuances n'enlèvent rien à la valeur de "Célébration de la vie imparfaite", méditation riche qui nous encourage à réviser notre perspective : envisager nos faiblesses non comme des défauts à corriger mais comme des "cruches vides" (p. 70) où peut briller "la lumière de Dieu [...] comme un trésor dans des vases d'argile" (p. 70).

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