Galla Placidia

Anne Soupa
Edition du Cerf
Gilles Berrut
28 mai 2025
Relecture :
Essai
Histoire du christianisme
Temps de lecture :
1
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Galla Placidia

Anne Soupa

Édition du Cerf 2025

Avec Galla Placidia. L’impératrice face aux grandes migrations (Cerf, 2025), Anne Soupa poursuit l’exploration d’un christianisme incarné dans des figures féminines, qui pour cette raison se sont retrouvées marginales dans l’histoire officielle. Pourtant elle est une fille, soeur et mère d’empereurs et épouse d’un roi barbare.

après Espérez ! (Albin Michel, 2021) et Consoler les catholiques (Salvator, 2019), Anne Soupa déplace son regard pour saisir une époque troublée à travers les yeux d’une femme.

Le projet, éminemment politique et spirituel, s’ouvre sur une Rome assiégée (p 10). Placidia distribue le pain comme d’autres officient la liturgie – un geste de compassion et de responsabilité. Ce roman-essai entreprend la narration de celle qui fut tour à tour otage, impératrice, exilée. Cette femme qui endure l’humiliation et la défaite avec une noblesse construite dans l’épreuve : « Ce soir, l’empire, qui est-ce, sinon moi ? » (p 15).

Sur le plan stylistique, Soupa excelle dans l’évocation. Le récit est soutenu, parfois lyrique, où les dialogues intérieurs de Placidia alternent avec des descriptions sensibles. La mer devient par exemple promesse incertaine : « Ce qui est sans limites surgit devant eux comme la limite des limites » (p. 43). Ce choix de roman historique ne rompt pas avec son œuvre : il prolonge son combat pour un christianisme plus incarné, plus féminin. Après Dieu aime-t-il les femmes ? (2012), Soupa continue ici de rendre audible une parole théologique et féminine.

Les idées centrales du livre résident dans cette tension entre Empire et exil, mémoire et transmission. À la fois résistance douce, fidélité à l’Évangile au milieu des trahisons et du cynisme politique, Gallia mariée au roi wisigoth Ataulph, devient le lien entre deux mondes : « Une nuit de noces vaut tous les traités du monde » (p. 80). Le récit interroge aussi le rôle de la foi dans les grands basculements : Placidia prie, doute, implore – sa foi est celle des limbes, ni triomphante, ni résignée.

Les mérites du livre sont nombreux : érudition historique solide, mise en voix d’un personnage méconnu, regard éthique sur les migrations anciennes, allusion discrète, mais constante aux enjeux contemporains.

Le seul regret : en ne laissant pas de place à ambivalence morale, le récit devient hagiographique face à des adversaires souvent caricaturaux.

Gallia Placidia est une méditation romanesque sur la chute des empires et la promesse de la paix. Fidèle à son écriture engagée et spirituelle, Anne Soupa y redonne voix à une femme que l’histoire avait rendue muette, et fait du passé une parabole de notre présent où les empires s’interrogent, à travers une virilité désuète et caricaturale, sur leur avenir.

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