La question – on devrait dire LES questions – de la dette globale des pays pauvres est depuis des années reléguée très loin dans les priorités de l’actualité… Loin derrière les guerres, loin derrière les crises politiques, loin derrière les jeux géopolitiques, loin derrière les difficultés que les pays riches eux-mêmes connaissent…
Et pourtant…
Voici un petit – en tous cas par son volume – livre qui nous rappelle de façon très pédagogique que nous aurions tort de négliger cette question. En effet, la paix du monde se joue aussi sur la façon dont cette question est (et sera) prise en compte et traitée.
Il est rare de trouver en cent cinquante pages autant d’informations précises, documentées, compréhensibles. Il est rare de trouver dans le même mouvement une approche aussi solide techniquement et une vision éthique aussi éclairée.
Tous les aspects de la question sont en effet abordés : mécanismes financiers, responsabilités conjointes des prêteurs (quels qu’ils soient) et des emprunteurs, questions éthiques soulevées, nécessaire mobilisation des citoyens que nous sommes.
Les auteurs décrivent de façon très compréhensible :
- Les enchaînements délétères produits par des taux d’intérêt qui s’alimentent eux-mêmes jusqu’à étrangler les pays emprunteurs sans même les libérer du capital de la dette
- Les enjeux géopolitiques qui président à la constitution même de la dette, avec des pays ou des organismes prêteurs qui souhaitent d’abord étendre ou conforter leurs zones d’influence.
- La corruption, peut-être le pire des fléaux, qui tout à la fois détourne l’argent et l’empêche d’arriver à sa destination « officielle ».
- Les paradis fiscaux qui permettent à la fois aux corrompus et aux corrupteurs – il faut toujours être au moins deux dans ce genre d’exercice – de rester le plus souvent impunis.
- Les ravages produits par les pratiques des « fonds vautours »…
- La complexité de fonctionnement et les lenteurs d’organismes internationaux censés réguler des pratiques qui, malheureusement, leur échappent en grande partie. Sans parler des positions des grandes puissances prêteuses, et surtout de l’impact des « nouveaux » venus que sont la Chine, l’Inde, la Russie…
On pourrait continuer encore cette litanie de problème, mais ce serait ne pas assez accorder d’importance aux premières victimes de cette « machine infernale » : les peuples eux-mêmes. En effet, quand il faut à tout prix rembourser, quand il faut donner des gages pour obtenir de nouveaux prêts ou négocier une restructuration de la dette, ce sont les peuples qui souffrent, et pas ceux qui ont contracté la dette.
Revenons à notre introduction.
Si on se dit que tout cela est trop complexe, si on renvoie simplement dos à dos les prêteurs et les emprunteurs, si on se dit que tout cela nous échappe et que nous avons bien assez à faire avec nos propres difficultés… Alors, soyons sûrs d’une chose : le problème ne se réglera pas tout seul, il continuera à mettre ensemble et accumuler les ingrédients constitutifs d’une bombe à retardement que nous léguerons à nos enfants.
Alors que faire ?
D’abord, et ce livre nous le permet, nous informer pour pouvoir parler, échanger, débattre. Les auteurs du livre – Patrice DUFOUR, Michel ROY, Denis VIENOT, le fr. Jean-Claude LAVIGNE, sont depuis des années engagés sur le terrain, auprès des populations, dans le réel. Ils savent que c’est par la conscientisation, la formation, la mobilisation, la discussion, le débat, et l’action concrète que les choses changent.
Ils nous invitent à ne jamais oublier que cinq pains et deux poissons ont pu nourrir 4000 personnes.