

Issu d’un travail de recherche interdisciplinaire réalisé à l’École supérieure de théologie d’Évron l’ouvrage suit une méthodologie universitaire. Il est richement documenté, est solide, profond et érudit. Sous la direction de Bernard Lesoing, théologien et Jean-Rémi Lanavère spécialiste de la philosophie thomiste, les dix-huit contributeurs présentent une recherche académique rigoureuse et une connaissance approfondie de l’image biblique du « sceau du Dieu vivant » que l’on trouve dans l’Apocalypse (7,2), révélation accordée à saint Jean : « Puis je vis un autre Ange monter de l'orient, portant le sceau du Dieu vivant; il cria d'une voix puissante aux quatre Anges auxquels il fut donné de malmener la terre et la mer ».
Les auteurs, pour la plupart issus de la Communauté Saint Martin, explorent la symbolique biblique et théologique du sceau en ouvrant le questionnement : « qu’est-ce qu’un sceau ? » à la fois un cachet, une empreinte, une marque, un moyen d'authentification et de protection, sorte de symbole de l’identité et la dignité d’une personne. A travers une enquête théologique, philosophique et ecclésiologique, ils présentent l’image de sceau du Dieu vivant, courte assertion dans le texte attribué à saint Jean, comme la métaphore d'une ressemblance entre Dieu et l'homme, comme signe du salut.
Articulé en trois parties l’ouvrage s’ouvre par une présentation du sceau dans le livre de l’Apocalypse dans une perspective trinitaire et anthropologique. Le sceau, cachet ou signature devient Sainte empreinte et Signe du Salut : « ne ravagez ni la terre, ni la mer, ni les arbres avant que nous ayons marqué du sceau le front des serviteurs de notre Dieu » ou, déjà annoncé par Ézéchiel (9,4) « ne touchez à aucun de ceux qui portent une marque sur le front ». Le sceau du Dieu vivant, écrit un rédacteur de cette partie, François -Xavier Pecceu, est à la fois identité d’un peuple et propriété de Dieu.
Le sceau est également onction. C’est ce qu’annonce dans sa contribution François-Regis Moreau dans une approche qu’il qualifie de patristique. Il suggère le « lien étroit entre baptême, onction et sceau du Saint Esprit ». Jésus est l’Oint du Seigneur par la présence en Lui de l‘Esprit Saint et l’onction reçue par le baptême atteste de sa présence dans notre cœur. Le sceau est alors présence de Dieu en nous. L’auteur étend plus largement sa réflexion à l’Eucharistie, au sacrement de pénitence et de réconciliation, à celui des malades. Ainsi, vertus théologales, vertus morales et don du Saint Esprit sont de nature à nous permettre d’agir en vue d’obtenir la vie éternelle. C’est la marque du sceau du Dieu vivant.
Ces dernières assertions ouvrent à la deuxième partie. Le sceau du Seigneur marque le chrétien d’une marque spirituelle indélébile de son appartenance au Christ, dit le catéchisme de l’Église catholique de 1992, toujours d'actualité (§1272). Le sceau marque le caractère du chrétien. Ysabel de Andia cite la Démonstration apostolique de Saint Irénée pour qui le baptême devient sceau de la vie éternelle. Etienne Peltre traite quant à lui du lien entre la grâce et caractère chez saint Thomas. Selon lui, le docteur angélique affirme que les deux sont subordonnées l’une à l’autre. C’est pour lui une question, ecclésiologique qui fait écho à ce qui a trait à la nature de l’Église elle-même. Il aborde la question des sacrements en « vue de la fin ». Fin de la vie humaine car unique, elle consiste en la Béatitude éternelle. L’homme a besoin des sacrements pour goûter à la Béatitude et la Béatitude commence à se donner par et à travers les sacrements. C’est ici aussi que se concrétise le sceau.
Autre contributeur, pour Thomas Lapenne, le sceau n’est plus seulement un symbole ou un objet, mais est lien avec l’amour. Pour lui, le sceau est « la bien-aimée », une seule personne avec son époux. C’est un rapport d’amour et d’alliance. Chacun y retrouvera, sans peine, les nombreuses références bibliques. Saint Thomas d’Aquin, s’il n’utilise jamais la notion de sceau, s’inspirera du Cantique des cantiques : l’amour provient d’une ressemblance et engendre une union affective, cite l’auteur. En fait l’amour est comme un sceau, la cause première de l’amour c’est le bien .
Les auteurs de la troisième partie développent un ensemble de réflexions et d’analyses autour du caractère social. Ainsi, Auguste Fargère travaille l’image du sceau dans la théologie du sacerdoce ministériel chez le Père de l’Église Maxime Le Confesseur (580-662) et les aspects pastoraux et personnels tandis que Nicolas Richard et Jean-Rémi Lanavère approfondissent le thème au travers les textes des conciles de Trente et Vatican II. Remarques intéressantes de Bruno Goncalves qui présente le sceau sacramentel comme garantie du fidèle et comme protection de l’œuvre de Dieu ? Il fait référence à une actualité douloureuse et notamment aux législations qui en découlent sur le secret de la confession ou inversement sur la directive européenne 2024/1385 invitant les États à protéger ce droit afin de sauvegarder la liberté de religion.
Pour conclure cette recension très incomplète tant l’ouvrage est dense ou ouvre des perspectives complexes en matière de théologie et d’exégèse biblique (je demande au lecteur de m’en excuser par avance) on peut avancer que le concept de sceau est signe d’authentification, de protection et ressemblance entre Dieu et l’homme. Les contributeurs de cette étude, s’appuyant sur l’image biblique du sceau dans l’Apocalypse (7,2), articulent théologie trinitaire, vie chrétienne et ministère ordonné. Le livre ouvre, pour chaque chrétien, à une redécouverte de l’authenticité et de la ressemblance divine.