Un des mérites de l’ouvrage est de fourmiller d’informations et de détails tant statistiques, qu’organisationnels sur le fonctionnement de l’appareil diplomatique du Vatican, sur ses succès et sur ses actions au niveau international. L’auteur donne un large panorama des opérations conduites ou esquissées par le pape et ses agents (en particulier des nonces, les mouvements et ONG catholiques) en montrant la place de la personnalité du pape et ses combats idéologiques liés à sa culture latino-américaine et au déplacement du centre de gravité du catholicisme.
F. Mabille, professeur de Sciences politiques, nous livre un ouvrage original et très riche sur la diplomatie vaticane, publié avant le décès du pape, et sur ses stratégies internationales. Si l’ouvrage est assez critique sur la diplomatie conduite par le pape François, il ne réduit pas les apports positifs et originaux de ce pape. L’ouvrage ouvre un vrai débat de fond sur la place du Vatican dans les relations internationales qui joue à la fois sur le plan des états tout en étant un tout petit état (le Saint- Siège : un état vestige selon l’auteur) et sur celui de la morale catholique confrontée au libéralisme et à la mondialisation.
Un des mérites de l’ouvrage est de fourmiller d’informations et de détails tant statistiques, qu’organisationnels sur le fonctionnement de l’appareil diplomatique du Vatican, sur ses succès et sur ses actions au niveau international. L’auteur donne un large panorama des opérations conduites ou esquissées par le pape et ses agents (en particulier des nonces, les mouvements et ONG catholiques) en montrant la place de la personnalité du pape et ses combats idéologiques liés à sa culture latino-américaine et au déplacement du centre de gravité du catholicisme.
F Mabille décrivant le pouvoir du pape distingue un pouvoir d’ingérence à partir de la dimension sociale de la foi, un pouvoir d’influence sur les thèmes prioritaires (migrants, réefugiés …), un pouvoir médiatique, un pouvoir culturel (la place de l’éducation catholique dans le monde) et un pouvoir diplomatique (médecin humanitaire, médiateur dans les conflits, protestataire face à la culture occidentale). Mais ces pouvoirs deviennent de plus en plus faibles : diminution des forces catholiques, fractures de l’unité entre catholiques, indifférence et relativisme au niveau planétaire.
Opérant une relecture de la politique diplomatique du pape François, l’auteur repère non seulement une volonté d’être reconnu comme un acteur de dialogue et de médiation au sein du monde politique et dans les milieux religieux (p 99), mais aussi cinq attitudes principales du pontificat : la volonté d’introduire du mouvement contre les positions statiques (avec la Chine, l’Union européenne…), la prise en compte des nouvelles relations nord-sud (nouvelles frontières, migrations, dénonciation de la mondialisation, les périphéries sociales et économiques), le dialogue (la connivence) comme vecteur principal de la diplomatie (mais sans distinguer victimes et coupables, ce qui conduit à fréquenter des « infréquentables » p.122). F Mabille repère aussi une diplomatie aux accents pacifistes (pour une approche globalement non violente et humanitaire pour résoudre les conflits p136) et une volonté d’être un acteur de médiation.
Mais sur ces points des oppositions et des critiques s’élèvent : à l’intérieur même de l’ÉEglise et du Vatican et des critiques idéologiques qui dénoncent la binaritée et la globalisation non pertinente des approches nord-sud et la proximité des analyses du pape avec celles de Raoul Prebish ou Améelia Podetti, experts latino-américains très anticapitalistes. L’auteur montre une certaine naïveté de la diplomatie vaticane par rapport à l’Islam, mais aussi par rapport à la Russie et à la Chine et décrit la critique systématique des Eeuropéens quant à la foi et à leurs valeurs. Ces appréciations critiques de F Mabille sont fortes et invitent à réfléchir même si certaines semblent excessives.
F. Mabille distingue six grands dossiers du pontificat du pape François : la guerre des valeurs et des cultures résultant d’une colonisation idéologique (ce qui est proche des partis populistes selon l’auteur), la tolérance vis-à-vis de l’islam au nom de la « fraternité humaine », les relations avec le communisme et l’orthodoxie, une lutte contre les valeurs occidentales, lea pacifisme (qui pousse à légitimer Poutine et sa guerre contre l’Ukraine), sa faible compréhension de l’Afrique.
La conclusion du dernier chapitre du livre pose cette question : le Saint- Siège n’est-il plus qu’une seconde Croix-Rouge internationale ? L’humanitaire semble, avec le pape François, avoir pris le dessus des préoccupations de l’ÉEglise au détriment d’une analyse politico-stratégique (p 196).
Mais sur ces points le pape risque de perdre sur les deux tableaux (p 166) : celui des conservateurs qui le voient peu fiable et trop pastoral et les libéraux qui pensent que rien ne change et doute de sa volonté réformatrice. C’est là une limite liée au cosmopolitisme du pape, ultime tentative pour exprimer un universalisme impossible même intra-ecclésial. Pour F. Mabille, l’absence de cohérence dans le pilotage de la diplomatie et les trop nombreux sujets sur lesquels le pape prend position rendent non crédible une stratégie diplomatique du Vatican. L’auteur souligne en outre ce qu’il nomme une diplomatie du ressentiment, une attitude très anti-occidentale (p 209).
L’ultime conclusion de l’auteur est assez féroce : « Doit-on alors considérer que sa postérité retiendra essentiellement sa médiation de 2016 entre Cuba et Washington dans le domaine géo-politique et son encyclique laudato si du 24 mai 2015 au succès par trop précoce dans le domaine doctrinal ? »
Sans souscrire à cette affirmation de F. Mabille et tout en reconnaissant qu’il ne néglige pas les points positifs de la diplomatie vaticane, l’ouvrage « Le Vatican, la papauté face à un monde en crise » interroge sur la possibilité du Vatican d’être un acteur contemporain pertinent dans le champ des relations internationales et sur la doctrine sociale de l’ÉEglise qui n’est pas qu’une simple ONG. Comment vivre la foi chrétienne dans un monde en crise reste une question à débattre et un défi pour l’action ?.