

À la découverte des chrétiens de Chine : un livre qui brise les idées reçues
Avec Les chrétiens dans la Chine de Xi Jinping, Michel Chambon de Clermont nous offre bien plus qu’une simple étude : une immersion captivante dans le quotidien méconnu des communautés chrétiennes chinoises. Ce n’est ni un essai aride ni un pamphlet politique, mais un récit vivant, nourri par deux décennies de voyages et de rencontres à travers le pays. Anthropologue et théologien, l’auteur nous guide avec finesse dans les ruelles de Nanping, les églises clandestines de Pékin ou les mégapoles en pleine effervescence, loin des caricatures trop souvent véhiculées.
Une réalité bien plus riche qu’on ne l’imagine Plutôt que de s’en tenir aux grands discours, Chambon de Clermont privilégie le concret. Il nous fait entrer dans l’intimité des croyants, qu’ils soient catholiques, protestants ou membres de petites communautés évangéliques. À travers des portraits saisissants – comme celui de cette mère persuadée que le mariage de son fils est un signe de la « présence active du Dieu amour » (p. 89) –, il révèle une foi à la fois discrète et tenace. Les églises ne sont pas seulement des lieux de prière, mais aussi des espaces de résistance et d’innovation sociale. Par exemple, certaines paroisses ont lancé des maisons de retraite pour les personnes âgées abandonnées, une initiative parfois encouragée par les autorités locales elles-mêmes (p. 102-105). Une façon de rappeler que les chrétiens chinois ne se contentent pas de subir leur sort : ils agissent, s’adaptent, et négocient leur place dans une société en constante évolution.
Une diversité souvent ignorée L’un des grands atouts de ce livre est de montrer à quel point le christianisme en Chine est pluriel. Entre les catholiques divisés entre communautés officielles et clandestines, les protestants de l’Église de l’Évangile, ou encore les mouvements pentecôtistes, chaque groupe a sa propre histoire et ses défis. L’auteur insiste sur cette mosaïque de croyances et de pratiques, bien loin de l’image d’un christianisme uniforme. « Ici, la foi ne se vit pas de la même manière selon qu’on est à la campagne ou en ville, jeune ou âgé, issu d’une famille croyante depuis des générations ou nouvellement converti », explique-t-il en substance. Cette diversité, souvent passée sous silence, est l’un des fils rouges de l’ouvrage.
Un équilibre entre espoir et réalisme Sans nier les difficultés – répression, surveillance accrue sous Xi Jinping, destruction de lieux de culte –, Chambon de Clermont évite le piège du misérabilisme. Il souligne aussi les avancées, comme l’accord de 2018 entre le Vatican et Pékin sur la nomination des évêques, prolongé en 2024. « Aujourd’hui, presque tous les évêques chinois sont en communion avec Rome et reconnus par les autorités », précise-t-il dans un entretien récent. Une situation complexe, où les progrès coexistent avec les tensions, et où la diplomatie vaticane doit sans cesse s’adapter.
Un récit accessible et captivant L’écriture est fluide, presque romanesque, sans jamais tomber dans le jargon universitaire. Les anecdotes, les descriptions des lieux et les témoignages donnent au livre un ton humain et engageant. On y découvre une Chine bien différente de celle des gros titres : une Chine où la foi persiste, se réinvente, et trouve des chemins inattendus pour exister.