

Au premier coup d’œil sur la couverture, on pourrait penser qu’il s’agit d’un manuel de développement personnel parmi de nombreux autres. On pourrait croire qu’on va y trouver des trucs ou des recettes pour se faire une place de choix dans un monde compliqué et sélectif.
On se tromperait alors lourdement
Diplômé de l’Ecole Militaire de Saint-Cyr, de l'École de Guerre et de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale, le général de corps d’armée Pierre GILLET débute sa carrière - marquée par les opérations extérieures - comme lieutenant au sein de la légion étrangère au Tchad en 1989. Suivront l’Irak, Djibouti ou encore la République Centrafricaine en tant que commandant de l’opération SANGARIS. Le général GILLET exerce par la suite plusieurs postes à responsabilité d’abord au sein de l’Etat-Major des Armée comme directeur adjoint de la planification, ensuite comme commandant des Ecoles militaires de Draguignan et de l’Ecole d’infanterie. En 2019, il est appelé à commander le Corps de Réaction Rapide.
Ce livre nous ramène dans une question bien plus fondamentale : Quelles sont les conditions à réunir pour une vie bonne ? Cette question traverse la réflexion antique et moderne, qu’il s’agisse d’Aristote ou de Thomas d’Aquin, qu’il s’agisse de Kant ou plus récemment, de Chantal DELSOL ou de Remi BRAGUE.
Ce n’est pas à un code de bonne conduite pour réussir ; mais plutôt une ressource qui nous invite, et peut nous aider, à construire une vie, individuelle et collective qui soit une vie bonne.
quatre grandes vertus dites cardinales déploient le propos : PRUDENCE, JUSTICE, FORCE (courage), TEMPERANCE.
La compréhension, la recherche, la mise en action de ces quatre vertus peuvent nous aider à constituer le « capital » de forces morales dont nous avons tous besoin pour prendre des décisions à la hauteur de notre humanité. Ces forces morales vont nous apporter tout à la fois l’intelligence, les moyens et la volonté nécessaires à l’action.
Trop souvent, nous prévient l’auteur, les forces morales sont présentées sous l’angle du courage physique… Mais le courage physique ne suffit pas à considérer la valeur d’un acte : il faut aussi la justice qui oriente l’action, la prudence qui caractérise une bonne préparation…
Ainsi, toute décision nourrie par les forces morales pourra s’incarner dans un chef : non pas comme un homme seul, ayant décidé seul, mais comme ayant réuni autour de lui les conditions d’une décision bonne, conforme à la mission confiée. Une décision qui ne trouverait pas à s’incarner risquera le flou, générera doute et hésitation, ne mobilisera insuffisamment totalement les énergies disponibles.
La combinaison permanente de ces quatre vertus cardinales – la vertu étant entendue comme une disposition habituelle et constante à faire le bien – permet la conduite des hommes, la conception d’un projet, la mise en œuvre de l’action conformément aux buts recherchés.
L’auteur détaille clairement chacune de ces vertus, en prenant à chaque fois le soin de rappeler que non seulement elles sont interdépendantes (connexes), mais qu’elles se renforcent l’une l’autre :
La prudence n’a rien à voir avec l’hésitation, la procrastination, la multiplication du principe de précaution… Elle est « simplement » exigence de méthode, d’écoute du réel, de clarté dans le but à atteindre, de réalisme dans la possibilité de réussir. Personne ne suit un chef qui ne témoigne pas de prudence.
La justice consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû et à laisser les gens disposer de leurs droits ; c’est ainsi que chacun sait ce qu’il a à faire, et connait la part qu’il doit prendre pour assurer le succès collectif. Comment avancer si je ne sais pas ce qu’on attend de moi, et si je ne sais pas quelle est ma place dans le collectif ?
Le courage (le force) est d’abord un engagement moral libre. Personne ne peut contraindre quelqu’un à faire preuve d’un courage moral. Le courage individuel se construit et se développe dans une vie équilibrée, où on respecte son corps, son besoin de sommeil, de sport, mais aussi de fête.
La tempérance fait appel à une autodiscipline permanente, pour lutter contre les tentations d’un « laisser-aller » moral. L’auteur rappelle ainsi les quelques points d’appui simples, forts, constants, que tout légionnaire connait et vit : on ne laisse personne sur le terrain, on assure la protection de son proche, on reste solidaires en toute circonstance.
Au final, on aimerait, et l’auteur en a le goût et la capacité, poursuivre l’ouvrage en y intégrant les trois grandes vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité… on les devine quand le général Gillet cite sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix (page 77) : « Rien d’humain n’est éternel, sauf la dose d’amour que nous posons dans nos actes » ...
Pour autant, un livre accessible, à mettre entre toutes les mains, qui « parlera » autant à ceux qui croient au ciel qu’à ceux qui n’y croient pas.