loi naturelle et droits de l'homme

Pierre Manent
Edition du PUF
Jean-René Berthélémy
7 juin 2025
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Philosophie
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Pierre MANENT

La Loi naturelle et les droits de l’homme

Collection QUADRIGE

PUF 2020, 134 pages

Né en 1949 à Toulouse, normalien et agrégé de philosophie, Pierre Manent est assistant de Raymond Aron au Collège de France avant de devenir directeur d’études à l’EHESS. Spécialiste de Machiavel, de Montaigne et de Rousseau, il est notamment l’auteur de Cours familier de philosophie politique (Fayard, 2001) et des Métamorphoses de la Cité (Flammarion, 2010). Il est également l’auteur de La Raison des nations - Réflexions sur la démocratie en Europe (Gallimard, 2006), et il a traduit L’Amour et l’Amitié d’Allan Bloom (Le Livre de Poche, 2003). En 2022, il fait paraître Pascal et la proposition chrétienne (Grasset).

A propos de la Loi naturelle, Pierre Manent s’interroge : comment ce qui a pu apparaitre comme une évidence pendant des siècles, ce qui relevait de la coutume acceptée par tous, ce que l’on qualifiait de « naturel », ce que l’on appelait la loi naturelle, peut être aujourd’hui inintelligible ou aussi souvent congédié ?

Dans ce petit ouvrage paru en 2018, et qui a fait l’objet d’une seconde édition en 2020, l’auteur pose l’hypothèse suivante : la doctrine des droits de l’homme en devenant la principale voire l’unique référence légitime pour orienter la vie sociale et individuelle, relativise la loi naturelle et la justification d’un bien commun. Le bien commun tend à se réduire à la possibilité pour chaque individu d’exercer les droits qui lui sont reconnus par la société et légitimités par l’Etat.

Si la loi naturelle est congédiée au motif qu’elle constituerait une entrave à la liberté et à l’autodétermination de l’homme, où les droits de l’homme pourraient-ils trouver leur enracinement sinon dans chaque individu, autonome et isolé, enjoint de construire son propre monde, son propre imaginaire. On « dénaturalise » ainsi l’homme, pour le réduire à un « construit », et du coup, exposé à la déconstruction puisque dépourvu d’une base naturelle.

Pour mieux comprendre la portée de ce petit livre, arrêtons-nous quelques instants sur la façon dont la loi naturelle concerne tout croyant, et tout homme de bonne volonté :

L’Eglise –  bien que la loi naturelle ne soit pas l’apanage des chrétiens – a vu dans la loi naturelle, une ressource pour aider les chrétiens à se penser, penser leur implication dans toutes les questions concernant leur vie personnelle et la vie en société.

La Commission Théologique Internationale en 2009, à la demande du pape Benoit XVI, a initié un travail de revisiter le concept de loi naturelle, comme norme éthique commune à tous les êtres humains exprimant l’humanité même de l’homme. `

Cette loi, qui n’est donc pas à inventer ni à imposer, qui crée des droits et des devoirs pour tous les hommes, pourrait être le socle d’un dialogue interculturel dans un monde globalisé, où les grands défis à relever collectivement sont immenses (économiques, sociaux, climatiques, environnementaux...).

Le Catéchisme de l'Église catholique (n°1954) définit la loi naturelle comme ce qui « exprime le sens moral originel qui permet à l'homme de discerner par la raison ce que sont le bien et le mal, la vérité et le mensonge »...« dont l'humanité prend de mieux en mieux conscience au fur et à mesure qu'elle avance dans l'histoire », explique la Commission Théologique Internationale (CTI).

Ce n’est donc pas un concept figé.

Revenons à Pierre MANENT : « Un seul principe spirituel, une seule référence éthique, un seul argumentaire légitime subsiste aujourd’hui : celui, ou celle, des droits de l’homme entendus de la manière à la fois la plus intransigeante et la plus restrictive, c’est-à-dire rigoureusement séparés et isolés, rigoureusement indépendants des droits du citoyen, se définissant comme le droit illimité de l’individu humain particulier à faire reconnaitre sa particularité par l’institution politique. »  La loi ne commande plus, elle autorise…

Au final, c’est donc bien la possibilité même de penser le Bien Commun qui est mise en question lorsqu’on congédie la Loi Naturelle. Or, nous le croyons, la personne humaine ne peut se définir, se construire, s’épanouir, que dans une relation aux autres.

Laissons le dernier mot à Pierre MANENT : « nous pouvons choisir nos amis, mais nous recevons de la nature notre capacité à nous faire des amis »

Véronique JAQUET

Jean-René BERTHELEMY

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