Nicée

Claire Reggio
Edition du Cerf
Gilles Berrut
26 mai 2025
Relecture :
Histoire du christianisme
Ecclésiologie
Temps de lecture :
1
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Nicée

Calire Reggio

Edition du Verf, 2025, 176 p.

L'éclairage magistral de Claire Reggio

Dans son dernier ouvrage consacré au concile de Nicée, Claire Reggio propose une approche renouvelée de cet événement fondateur du christianisme. Cette spécialiste de l'histoire religieuse antique, qui partage son enseignement entre l'université d'Aix-Marseille, l'Institut catholique de la Méditerranée et Domuni Universitas, enrichit ici un parcours académique déjà remarqué. Ses précédentes publications, notamment Repentances catholiques. L'Église face à l'Histoire (1990-2010) paru aux PUR en 2013 et Histoire du christianisme des premiers siècles chez Domuni Press en 2016, témoignaient déjà de sa maîtrise des transformations du christianisme primitif.

L’origine d’un concile historique

L'historienne retrace méticuleusement les événements qui conduisirent l'empereur Constantin à rassembler, en 325, « tous les évêques de l'oikouménê romaine » (p. 18) dans la cité de Nicée. Son analyse met en lumière les motivations complexes du souverain : d'une part, restaurer l'harmonie impériale par l'uniformité religieuse ; d'autre part, marquer solennellement « le vingtième anniversaire de son règne » (p. 69). Reggio excelle particulièrement dans la reconstitution de l'ambiance conciliaire, depuis le spectacle grandiose de « l'épiphanie » lors de l'entrée de l'empereur (p. 97) jusqu'à la distribution finale de « présents personnels conformes à sa dignité » aux participants (p. 105).

Décryptage des controverses doctrinales

L'une des réussites notables de ce travail réside dans sa capacité à vulgariser les subtilités des controverses trinitaires sans en trahir la complexité. L'auteure démontre avec finesse pourquoi « le vocable homoousios n'intéressait vraiment qu'Arius, qui en rejetait l'usage théologique » (p. 120), et de quelle manière ce concept grec, destiné à exprimer la consubstantialité du Fils au Père, s'imposa dans la doctrine chrétienne orthodoxe. L'historienne souligne également que les débats nicéens dépassèrent largement la seule question arienne, englobant « les débuts du droit canon, avec des décisions majeures touchant à la discipline ou la liturgie de l'Église comme le choix de fixer la date de Pâques » (p. 125).

Un bilan équilibré des résultats conciliaires

Reggio souligne les limites des travaux du concile. Elle n'hésite pas à constater que « Constantin échoua dans cette entreprise de pacification : il a échoué en Occident dans sa lutte contre le donatisme ; il a échoué en Orient en tergiversant entre nicéens et anti-nicéens » (p. 152). Mais il est le le fondateur de « l'idéal byzantin de la "symphonie" associant spirituel et temporel » (p. 153).

Atouts et faiblesses de l'étude

L'ouvrage présente des qualités indéniables : solidité de l'appareil critique (références abondantes aux sources patristiques), écriture vivante alliant rigueur scientifique et clarté pédagogique, contextualisation pertinente des enjeux politico-religieux. Peut-être des exemples auraient faciliter la lecture de ce texte dense. De même une synthèse de la description des querelles post-nicéennes mériteraient une approche plus synthétique pour faciliter la compréhension du lecteur non initié.

Une contribution majeure

Claire Reggio nous offre ici une des meilleures synthèses françaises contemporaines sur le concile de Nicée. La qualité majeure est d’associée rigueur scientifique et lisibilité pour un public non averti. Son approche s'inscrit dans le sillage de maîtres français tel Charles Pietri ou Alain Le Boulluec. Ce livre s'impose dès aujourd'hui comme un passage obligé pour tous ceux qui cherchent à saisir les racines doctrinales et organisationnelles du monde chrétien.

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